[La Clupte – Broussas, 57km, 990m D+]
On est repartis après une bonne nuit de sommeil avec l’idée de faire 40-45km histoire de ne pas empiler autant de dénivelé que la veille. Vers le sud-est, Bourganeuf, Faux-Mazuras puis Saint-Pardoux-Morterolles. Comme la veille : des descentes, des montées, suivies de descentes, puis de montées.
Mais pour autant, ce ne sont pas des montées de cols des Alpes, ou comme celle de Pech-David ou de Jolimont pour donner un repère aux Toulousain⋅e⋅s. Ce sont de douces montées, de celles qui se laissent patiemment avaler sur le 26×32, à 8km/h et 90 tours par minutes, et qui ne cassent pas le moral car on ne se bat pas vraiment contre, on les accepte, et on attend la prochaine descente. La plus dure, c’est la première, quand les muscles sont encore froids et qu’on les réchauffe avec bienveillance (PTSD ! tendinite !).
Nous avons quitté Châtelus par une bonne montée après une grosse descente, puis nous avons roulé, jusqu’à Bourganeuf ou nous nous sommes arrêté⋅e⋅s manger le plat le plus équilibré de nos vacances, une bonne salade composée à l’Auberge de l’Âtre, qui nous avait été conseillée par un couple de cyclos quelques kilomètres plus tôt, Nadège et son compagnon. Surprise, je connaissais le vélo de Nadège, car c’est… l’une des premières clientes de Victoire Cycles, une autre petite échoppe de cadreurs !
Et une fois reparti⋅e⋅s, nous avons bien roulé, et atteint facilement les 40 premiers kilomètres, et Abi a eu envie de pousser jusqu’au lac de Vassivière. Lac que nous avons atteint par son côté nord au kilomètre 50, un peu fatigué⋅e⋅s. On s’est donc mis en tête de chercher un hébergement plutôt qu’un camping, histoire de se reposer nos vieux os sur de vraies chaises et de dormir dans un vrai lit (là aussi, on pouvait commencer à deviner qu’on allait faire un voyage un peu plus… épicurien que prévu !).
C’est là qu’il s’est passé quelque chose de terrible. Le Lac de Vassivière est très touristique, et du côté nord, nord-ouest, a-t-on appris plus tard, c’est le côté des bourges. Les babos sont au sud, sud-est. Nous ne le savions pas à ce moment là, mais on se doutait un peu pour la première partie au moins car nous étions revenus sur des grosses routes à deux vraies voies, sillonnées par des voiture à 90km/h, des motards pétaradants et des camping-car de malade. Et nous nous sommes arrêtés pour chercher notre hébergement, près d’un père et sa fille debout à côté de leur SUV rutilant. Et le père, qui semblait dans un profond besoin de socialisation ou de vider son sac, on ne sait pas trop, a commencé à nous déblatérer tout ce qu’il avait sur le cœur, à savoir que son fils, qui était plus loin avec sa mère, faisait que des comédies quand il s’égratignait, que vraiment il était pas sportif et très chouineur.
Ça sentait le beauf à 20 lieues donc j’ai essayé d’arrêter de lui parler en me plongeant mal-poliment dans mon smartphone pour trouver un hébergement. On avait deux choix, un au nord-ouest, plus près d’où nous nous trouvions, et un autre au sud-est, plus près de l’itinéraire prévu le lendemain. Monsieur Bidochon n’avait pas saisi l’indice et continuait à nous inonder de discours dégoulinants de violence éducative ordinaire, à savoir que son fils, quand même, à 12 ans, avoir encore besoin d’un doudou, c’est incroyable quel bébé. J’ai résisté à l’envie de lui répondre qu’avec un père comme ça c’était pas surprenant d’avoir besoin d’un report affectif, et j’ai cliqué sur le gîte du sud-est, et du coup il restait 7km, et nous sommes partis et ça a un peu embêté Abi parce que je l’avais pas du tout consultée et qu’elle en avait plein les pattes.
On a débriefé ce qui s’était passé dans mon cerveau en roulant, on a convenu qu’au prochain trouduc qui me stressait comme ça, je pourrais utiliser notre safeword pour qu’elle lui donne envie d’arrêter de nous parler (elle sait faire ça très bien), et nous sommes arrivé⋅e⋅s à notre « Gite Tipi ».
Une fois au gîte, on s’est rendus compte de quatre choses : que c’était un endroit tout à fait agréable, que le Lac avait l’air d’avoir des choses à voir autour, que le gars du gîte était sympa, et qu’on avait fait 57km et… 990m de dénivelé. Du coup je suis retourné voir le gars du gîte pour réserver une deuxième nuit, et le Lac de Vassivière fut notre première pause du voyage.
Le jour suivant, nous voulions nous promener un peu, prendre le bateau-navette pour aller sur l’île au centre du lac pour visiter le Centre international d’art et du paysage, etc etc. Et puis finalement, le bateau-navette, c’était un par heure, 8 personnes maximum à cause du COVID, déjà pris d’assaut par au moins vingt personnes. On s’est dit que même si on poireautait pour l’aller, on risquait de se retrouver bien embêté⋅e⋅s le soir au retour, donc à la place, on a réservé au bateau-resto, on a mangé sur le bateau-resto, ce qui a complètement pourri notre bilan carbone des vacances mais était vraiment sympa car nous étions seuls à bord. On a discuté avec le cuistot-pilote – c’est lui qui nous a appris qu’on avait été bien inspirés d’aller au sud-est plutôt qu’au nord-ouest, il nous a expliqué plein de choses sur le lac : c’est un lac artificiel, créé dans les années 50 pour faire un barrage EDF, et au fond duquel, à 33 mètres au plus bas, on pourrait trouver huit hameaux submergés. C’était étrange d’imaginer naviguer là où des gens ont vécu, et ça m’a, encore une fois, donné très envie d’être pas asthmatique pour pouvoir faire de la plongée et découvrir tout cela.
Après une sieste, nous nous sommes promené⋅e⋅s à pied, pieds que nous avons trempés dans un ruisseau tout frais et agréable. C’est là qu’Abi a eu l’idée saugrenue et géniale de faire une étape de nuit. Nous avons donc investigué le cycle lunaire et décidé de la faire la nuit de la pleine lune, le 24 juillet.